Histoire
Le village de Petit-Saguenay possède une riche histoire, qui remonte aux peuples autochtones qui fréquentaient ses vallées verdoyantes pour la chasse et la pêche. Avant même l’arrivée de la Société des Vingt-et-Un, l’endroit était également fréquenté par la Compagnie de la Baie d’Hudson qui y pratiquait la pêche. Puis, dès les premiers mouvements de colonisation du Saguenay qui surviennent au milieu du 19e siècle, le territoire de Petit-Saguenay sera occupé sans interruption jusqu’à ce jour.
Une longue présence autochtone
L'inventaire archéologique réalisé en 1999 à Petit-Saguenay et les différents artefacts amérindiens retrouvés au cours des années permettent de faire remonter la présence autochtone sur le territoire à au moins 1 000 ans avant notre ère et probablement au-delà. Ce que l'on sait des récits des premiers explorateurs européens, c'est que ce sont les Iroquoiens du Saint-Laurent qui fréquentent le Bas-Saguenay au XVIe siècle, puis les Algonquiens de Tadoussac (Innus) à partir du XVIIe siècle. Les premiers explorateurs qui ont parcouru le territoire de Petit-Saguenay identifient pour leur part la vallée de la rivière Petit-Saguenay comme un territoire de chasse et de pêche des Autochtones.
Au début de la colonisation, les Autochtones et les Métis sont toujours présents. Au recensement de 1851, on note sur place la présence des Joncas, O'Neil, Nicolas et Joseph. On note également la présence de cabanes utilisées par les Autochtones (vraisemblablement pour la trappe) dans la vallée de la rivière Cabanage entre Petit-Saguenay et L'Anse-Saint-Jean.
Les explorateurs européens à la rencontre des autochtones
1er septembre 1535. Jacques Cartier rencontre à Tadoussac un groupe d'Iroquoiens qui pêchent sur le Saguenay. 50 ans plus tard, c'est un groupe de Montagnais autour du chef Abadabijou que Samuel de Champlain rencontre à Baie-Sainte-Catherine. Ce groupe sert alors d'intermédiaire dans les échanges entre les bandes d'autochtones du Lac-Saint-Jean et le poste de traite de Tadoussac. Peu de temps après son passage, la bande d'Abadabijou est décimée par les maladies contagieuses d'origine européenne, de sorte que plusieurs bandes des régions environnantes se mettent à fréquenter le Bas-Saguenay.
Au cours des deux siècles qui suivent, les contacts se multiplient entre Amérindiens et Européens. Missionnaires, explorateurs et arpenteurs découvrent le territoire avec des guides autochtones et entrevoient ce qui sera colonisé plus tard par la Société des Vingt-et-un. Le rapport que fait l'explorateur Thomas Simard en 1828 parle du Petit-Saguenay en ces termes : "Il s’y trouve une étendue de terrain propre à la culture ; le sol est de marne jaune, et pourrait suffire à y établir 100 familles. La terre est bien bonne dans cet endroit ; on y trouve du bouleau blanc et noir, de l’érable, du sapin, et de la pruche, mêlés avec d’autres bois."
De Ckwutsèocibu à Petit-Saguenay
En 1823, un certain James McKenzie mentionne pour la première fois la rivière Petit-Saguenay lors d’une session du parlement canadien. Bien qu'il soit difficile de remonter à l'origine exact du nom de Petit-Saguenay, on comprend bien que ce toponyme fait référence à la vallée en auge de cette rivière, qui a été formée par le passage des glaciers et qui rappelle les parois escarpées du "grand" Saguenay. D'autres écrits font même référence à la "petite rivière Saguenay" pour désigner Petit-Saguenay.
Mais avant même la colonisation, plusieurs toponymes étaient utilisés par les Premières Nations pour désigner les différentes rivières du territoire. C'est ainsi qu'on apprend que la rivière Petit-Saguenay était nommée Ckwutsèocibu ou "la rivière de Feu" par les Autochtones, ce qui fait probablement référence à l'un des incendies de forêt qui ravageaient périodiquement le territoire à l'époque.
Toujours pour les Premières Nations, la rivière Saint-Athanase (Anse au cheval) était Regateouakaou, pour "une pente de sable vers une rivière", ce qui décrit bien la vallée de cette rivière. La rivière se jetant dans l'Anse Brise-Culottes était pour sa part Outapimiskou, pour "une cabane de castor". On vous laisse deviner à quoi ce toponyme peut bien faire référence. Finalement, la rivière aux Petites Iles était Gouhabahigan ou "une épuisette pour transvider l'eau", ce qui pourrait par exemple désigner un endroit où écoper son canot.
Encore aujourd'hui Petit-Saguenay est riche de ses nombreux toponymes originaux. On pense naturellement au Cabanage, à la Grosse-Ile, à la Mer de Saint-Étienne, à Pis-Sec, à la Côte à Volvo, au Mont-Conscrit, au Petit Bras ou à la Poussière, autant de lieux-dits marqués par l'histoire et qui rendent le territoire poétique.
Crédit photo : BAnQC, carte 0002663679
Arrivée de la Société des Vingt-et-un à Petit-Saguenay
25 avril 1838. La Société des Vingt-et-un apprête une goélette pour partir à la conquête du Saguenay, alors sous le monopole de Compagnie de la Baie d'Hudson. Cette équipée de 27 hommes fait d'abord escale à l'Anse-aux-petites-Îles, entre Tadoussac et l'Anse Saint-Étienne, pour y débarquer un groupe de bûcherons, qui y construit le premier moulin à scie sur le Saguenay. L'expédition ainsi délestée poursuit son chemin jusqu'à l'Anse-au-Cheval, située en face de la Baie Saint-Marguerite, où un second moulin est construit. On y attend le départ des glaces, ce qui prend un mois. Puis, le reste de l'équipage poursuit son voyage qui l'amène à la colonisation de L'Anse-Saint-Jean et la Baie des Ha! Ha!
Les deux premiers arrêts de la Société des Vingt-et-un se font donc dans deux anses sur le territoire de Petit-Saguenay. Ces installations de sciage seront de courte durée, puisque les moulins étaient conçus pour être facilement déplaçables en fonction de la disponibilité de la ressource. À l'époque, c'est le pin, qui est alors abondant sur le territoire, qu'on abat en priorité. Ces deux anses ne sont toutefois jamais habitées de façon permanente - bien qu'elle soit visitées par des curés qui recensent 8 hommes aux Petites-Îles et 2 hommes à l'Anse-au-Cheval en 1839 - et c'est plutôt du côté de l'Anse de Petit-Saguenay et de l'Anse Saint-Étienne que les futurs efforts de colonisation se déploient à Petit-Saguenay.
Construction du premier moulin à scie sur la rivière Petit-Saguenay
François Guay est un homme d'affaires de La Malbaie, charpentier de formation et vétéran de la bataille de Châteauguay pendant la guerre de 1812. Il se spécialise dès 1824 dans les activités forestières et devient plus spécifiquement constructeur de moulins à scie. Dès les débuts de la Société des Vingt-et-un, il obtient des contrats de cette dernière pour mettre en place une bonne partie des 18 moulins à scie que cette dernière possède au moment de sa vente au profit de William Price.
Au cours de cette période, François Guay construit deux moulins qui lui appartiennent en propre, dont celui qu'il établit à 3 kilomètres de l'embouchure de la rivière Petit-Saguenay et qui entre en opération en 1844. Les installations sont toutefois assez rudimentaires et ne permettent que de faire travailler quelques bûcherons. Le premier missionnaire de ce qu'on nomme alors le poste de Petit-Saguenay, le Père Flavin Durocher, y recense 7 personnes à l'automne 1844, toutes originaires de La Malbaie.
La même année, François Guay revend son moulin à William Price qui, avec l'acquisition des moulins de la Société des Vingt-et-un deux ans plus tôt, est en position de monopole dans la région. Compte tenu de l'état des installations, William Price fait reconstruire complètement le moulin et fait installer une écluse, une glissoire à billots et une estacade. La capacité de production du moulin ainsi accrue à 1 000 billots permet de faire venir plusieurs travailleurs sur place. L'établissement connait dès lors un essor très important.
Crédit photo : BAnQ, CA304, S3, D25
La rivière à saumon sous contrôle privé
Les peuples autochtones et les employés de la compagnie de la Baie d'Hudson venaient pêcher le saumon dans la rivière Petit-Saguenay bien avant la colonisation de la région. Toutefois, lorsqu'un moulin est installé à l'embouchure de la rivière par la compagnie Price en 1844, cette dernière y obtient des droits de pêche exclusifs. La construction d'un barrage par la compagnie sur la rivière et les activités de drave causent toutefois un déclin rapide de la population de saumon dans les années 1850, ce qui amène le gouvernement du Québec à forcer la compagnie à construire une passe à saumon en 1861. Au cours de la décennie 1870, le garde-pêche R. Bouliane signale un retour du saumon avec la capture de 10 à 15 spécimens par année, avec un poids moyen d'environ 13 livres.
C'est également à cette période qu'on commence à ensemencer la rivière Petit-Saguenay – ainsi que l'Anse au Cheval, l'Anse aux Petites Îles et l'Anse Saint-Étienne – à partir de la toute nouvelle pisciculture de Tadoussac. L'ensemencement se poursuit au cours des décennies qui suivent et c'est le pionnier Hyppolite Tremblay qui assure le transport des alevins pour la modique somme de 2 $ par voyage. Une "maison de pêche" est pour sa part construite à l'emplacement actuel du Club des messieurs et un "hôtel" à proximité de la chute à Hermas Houde dans le rang Saint-Antoine.
En 1885, le gouvernement modifie la loi qui accorde les droits de pêche exclusifs sur les rivières à saumon et ce sont des américains – un certain N. Pendleton Roger, puis Harrison E. Gawtry – qui les possèdent jusqu'à la formation du Dumas Fishing Club en 1906. Ce dernier est en fonction jusqu'en 1950, année à laquelle les droits sont repris par un groupe d'Américains – les Gilepsi, Pape, Hayst et Field – qui continuent de les exploiter jusqu'à ce qu'ils soient transférés par le gouvernement à l'Association de Chasse et de Pêche de Petit-Saguenay en 1966.
Crédit photo : Collection Marie Côté
Premier âge d'or de la foresterie à Petit-Saguenay
Après l'acquisition du moulin construit par François Guay sur la rivière Petit-Saguenay, la compagnie Price en fait une installation de plus grande envergure qui devient son centre administratif dans la région. C'est David Edward Price, fils de William Price, qui, à 26 ans, est délégué pour gérer les opérations du poste de Petit-Saguenay. C'est d'ailleurs à cet endroit que seront émis les fameux pitons, sorte de monnaie qui sert à payer les employés et qui n'est échangeable que dans les magasins de la compagnie.
Très rapidement, on fait venir sur place des travailleurs pour bûcher le pin rouge et le pin blanc qu'on retrouve un peu partout sur le territoire et qu'on achemin au moulin à scie par drave. Les opérations sont considérables et attirent des travailleurs du Bas-du-Fleuve, de Charlevoix, de Québec, d'Angleterre, de Norvège et même d'Islande! En plus des cultivateurs et des journaliers, on retrouve sur place des forgerons, des boulangers, des menuisiers, des charpentiers et des contremaitres.
Le recensement de 1851 comptabilise 348 personnes sur place en 1851, dont le deux tiers sur les chantiers et le moulin de Petit-Saguenay et environ le tiers sur les chantiers et les fermes de L'Anse-Saint-Jean. Le moulin emploie alors 140 personnes pour une production annuelle de 10 000 madriers de 10 000 planches. La raréfication des forêts de pin arrêtera net les opérations dans l'hiver 1857-1858, de sorte que le poste se vide et le moulin est abandonné, ne laissant sur place que deux familles en 1858.
Crédit photo : BAnQ, P78, 193
Les premiers habitants de Petit-Saguenay
Selon les rapports du la Chambre d'Assemblée du Bas-Canada sur l'exploration du Saguenay, les Amérindiens et les Métis fréquentent fréquemment la vallée de la rivière Petit-Saguenay, pour la chasse et la pêche. La Compagnie de la Baie d'Hudson y pratiquait également la pêche au saumon depuis plusieurs années.
Lorsqu'on établit les balbutiements d'une première colonie à l'embouchure de la rivière Petit-Saguenay, on y signale la présence des familles métis suivantes : Joseph Nicolas (époux de Thérèse Joseph), Prudent Joncas (époux de Mary O'Neil) et Joseph Moreau. Le métis Charles Bernier (époux de Osithe Landry) fera également partie de l'équipe des travailleurs du premier moulin établi à l'embouchure en 1844 et, lorsque celui-ci sera abandonné, il sera le premier à coloniser le Cabanage avec sa famille. On continue à noter la présence d'Amérindiens et de Métis à l'Anse de Petit-Saguenay et dans le secteur du Cabanage au moins jusque dans les années 1920.
Le premier réel noyau villageois se développe au milieu du 19e siècle, autour des familles de Charles Bernier, Tiburce Bergeron (époux de Ositre Tremblay), Job Tremblay, Hippolyte (Pierriche) Tremblay et ses fils Hippolyte, Méron et Joseph. En 1861, on note la présence de tout au plus 28 personnes sur place. À ce groupe, viennent ensuite se joindre les familles des pionniers Paul Gagné et Charles Girard. Le village de Petit-Saguenay est né.
Crédit photo : BAnQ, P547, S1, SS1, SSS1, D385
Proclamation du canton de Dumas
Alors que la colonie naissante de Petit-Saguenay se développe tranquillement, le lieutenant-gouverneur du Québec Luc Letellier proclame le "township" de Dumas, une étendue de terres délimitée "au nord-est par la rivière Saguenay, au nord-ouest par le township Saint-Jean, au sud-est par le township Saguenay et au sud-ouest par le township Sagard." Ce nouveau canton inclut l'Ile Saint-Louis et l'ilot adjaçant et comprend 77 000 acres environ.
La proclamation du canton de Dumas ouvre définitivement la porte à la colonisation du territoire de la future municipalité de Petit-Saguenay, alors que le gouvernement peut désormais délimiter des lots et les céder aux familles en quête de nouvelles teres à défricher. Depuis un demi-siècle déjà, les explorateurs et les arpenteurs vantent la qualité des terres arables dans la vallée de la rivière Petit-Saguenay, qui pourrait faire vivre plusieurs dizaines de familles. Au cours des décennies qui suivent, l'ouverture d'un chemin carrossable entre Petit-Saguenay et L'Anse-Saint-Jean et le cadastrage de plusieurs lots démarre un vaste mouvement de colonisation, principalement en provenance de L'Anse-Saint-Jean.
Crédit photo : Greffe de l'arpenteur général du Québec, PL01D030
Construction d'un village de compagnie à l'Anse Saint-Étienne
À la fin des années 1870, la compagnie Price commence à s'intéresser au site de l'Anse Saint-Étienne pour y installer un moulin à scie. Le site est favorable à l'établissement, parce qu'il est bien protégé des vents et offre un excellent mouillage. Sur place, on retrouve tout au plus quelques familles de pêcheurs et les vestiges d'un mystérieux moulin à scie dont on ne connait pas le propriétaire. C'est en 1882 que la compagnie Price décide d'y construire un véritable village de compagnie, qui sera le premier du genre dans la région.
On qualifie l'établissement de village de compagnie, puisque toutes les bâtiments appartiennent à la compagnie Price. Le moulin est pour sa part d'une ampleur considérable : il fonctionne à la vapeur et possède une puissance de 200 forces, ce qui en fait de facto la plus grande usine de ce type au Saguenay. Autour du moulin, on construit des écluses, des dalles et des quais pour faciliter le transport, l'entreposage et le chargement du bois. Un remorqueur à vapeur, le Belle, est basé sur place pour faciliter l'entrée et la sortie des goélettes et autres navires à voile à marée basse.
Les ouvriers et leurs familles sont logés dans des maisons de chambre à proximité de l'usine, ce qui constitue un quartier ouvrier très vivant. Les notables, pour la plupart anglophones et protestants, sont quant à eux installés sur un plateau supérieur, dans ce que l'on appelle à l'époque l'Anse des Messieurs ou l'Anse de l'Église. Le village connait un essor important et replace à nouveau Petit-Saguenay au coeur de l'empire des Price dans la région.
Crédit photo : BAnQC, P666, S12, SS5, P533
Ouverture du premier chemin entre Petit-Saguenay et L'Anse-Saint-Jean
Depuis l'arrivée de la Société des Vingt-et-Un à Petit-Saguenay jusqu'en 1887, toutes les communications avec l'extérieur se font par le Saguenay. Seule exception à cette règle, en 1847 la compagnie Price aménage un chemin d'hiver entre Petit-Saguenay et Saint-Siméon. Ce chemin permet ainsi aux gens du Haut-Saguenay d'emprunter les glaces jusqu'à Petit-Saguenay, puis d'entrer à l'intérieur des terres pour rejoindre leurs familles et leurs proches restés dans leurs villages d'origine.
L'absence de voie terrestre entre Petit-Saguenay et les localités voisines demeure toutefois un frein important à la colonisation du territoire. En 1862, l'arpenteur J.B. Duberger trace pour la première fois ce qui deviendra plus tard la route 170 entre Petit-Saguenay et L'Anse-Saint-Jean. Ce faisant, il note la présence de plusieurs habitations autour de l'ancien moulin à scie des Price à l'embouchure de la rivière, ainsi que la maison de la famille d'Hippolyte Tremblay et ses dépendances à l'embouchure de la rivière Cabanage. Un peu plus haut sur la rivière Cabange, il rapporte l'existence de la maison de Charles Bernier dans sa clairière environnante.
Pour se rendre à L'Anse-Saint-Jean, il propose un chemin fort différent du tracé actuel de la route 170. L'écart le plus important se situe à l'Ouest du lac Long, où le chemin fourche soudainement vers le Nord pour rejoindre la Lac à Minette, d'où il redescend dans la vallée de la rivière Saint-Jean, via une propriété appartenant à l'époque à Damase Bouchard. Au cours des deux décennies qui suivent, l'aménagement de ce chemin se fait de façon très lente et ce n'est qu'en 1887 qu'un véritable chemin est terminé pour relier le village de compagnie de Saint-Étienne au Haut-Saguenay. Petit-Saguenay connait à partir de ce moment une colonisation rapide, essentiellement avec des familles de L'Anse-Saint-Jean à la recherche de nouvelles terres où s'installer.
Crédit photo : Greffe de l'arpenteur général du Québec, PL232-B
Développement d'un village moderne à Saint-Étienne
Rapidement après la fondation du village de compagnie de Saint-Étienne, celui-ci connait un essor important qui fait grimper la population à près de 400 personnes en 1887, lorsqu'on décide de construire une église et d'aménager un cimetière sur place. Pour loger tous ces travailleurs et leurs familles, on doit construire une trentaine d'habitations dans le quartier ouvrier et installer de nombreux services. Une dizaine de résidences sont également construites à l'Anse-des-Messieurs pour loger le gérant et les notables.
Une ligne de télégraphe de 27 kilomètres de long relie Saint-Étienne à Rivière aux Canards (Baie-Sainte-Catherine) et un chemin de colonisation - le chemin maritime - est ouvert le long de cette ligne à l'emplacement de l'actuel chemin des Îles. Un bureau de poste est également aménagés sur place et la poste est livrée deux fois par semaine entre Saint-Étienne et Tadoussac et entre Saint-Étiene et L'Anse-Saint-Jean.
Une ferme est défrichée sur les plateaux environnants pour fournir des aliments frais aux habitants. Deux écoles sont également ouvertes pour l'éducation des enfants avec les institutrices Adéla et Cécile Gobeil. Les visiteurs sont quant à eux accueillis dans un hôtel confortable. Les rumeurs veulent qu'une partie des bâtiments est même desservie par l'électricité produite au moulin à vapeur et un service d'aqueduc!
Crédit photo : BAnQC, P666, S12, SS5, P535
La colonisation de Petit-Saguenay prend son envol
Les pionniers établis depuis les années 1860 dans ce qui allait devenir le noyau villageois de Petit-Saguenay défrichent tranquillement leurs terres, alors que le gouvernement du Québec envoie arpenteur sur arpenteur pour évaluer le potentiel de développement agricole de la nouvelle colonie. Celle-ci connait donc une croissance très lente jusque dans les années 1890, où la colonisation prend son envol. En 1887, on dénombre 5 familles, toutes installées à proximité de l'embouchure de la rivière Cabanage, puis 18 en 1894 et 40 en 1898.
À cette période, la colonisation se fait surtout au Cabanage, dans la vallée inférieure de la rivière Petit-Saguenay, à la Grosse Île, à l'Anse au Cheval et sur la Coulée à Saint-Antoine. L'arpenteur William Tremblay estime à l'époque que l'ensemble du territoire de Petit-Saguenay permettrait l'établissement de 250 familles de cultivateurs. La construction en 1899 d'un pont pour enjamber la rivière Petit-Saguenay, puis la création d'une société pour la colonisation de Petit-Saguenay à L'Anse-Saint-Jean en 1900 accélère le mouvement de colonisation de sorte qu'on retrouve 291 personnes sur place lors du premier recensement en 1901.
La colonisation se poursuit par la suite dans le rang Saint-Étienne, aux Îles et dans le rang Saint-Antoine. À l'époque, on accède à Saint-Antoine via un chemin qui passe par le lac des Chicots dans Saint-Étienne, puis le long du lac des Îles et du lac Tremblay ou, de l'autre côté de la rivière, via le Club des Messieurs et le Petit Bras jusqu'aux Chutes. La colonisation de Saint-Étienne se fait pour sa part le long du chemin aménagé par la compagnie Price pour relier son village de compagnie à l'Anse Saint-Étienne à Petit-Saguenay. En 1919, on ouvre un dernier secteur de colonisation à Saint-Marc, tout juste aux limites de Sagard.
Crédit photo : Collection Julie Tremblay.
L'âge d'or de Saint-Étienne
Après plusieurs années d'opération, le village industriel de Saint-Étienne atteint son apogée au tournant des années 1890. Il figure en bonne place parmi les 3 moulins de la compagnie Price sur le Saguenay, compagnie qui compte également des installations à Chicoutimi et à la Baie des Ha! Ha!. Au sommet des activités, on compte une population permanente de 495 personnes en 1891, ce qui exclut les 400 à 600 travailleurs qui séjournent chaque hiver sur les chantiers. C'est alors le village le plus populeux entre La Baie et Tadoussac.
Une centaine de travailleurs fait fonctionner le moulin à scie où transitent entre 200 et 300 000 billots par année. On y scie essentiellement de l'épinette, qui a remplacé le pin comme essence principale, cette dernière ayant été complètement exploitée dans les premières décennies de la colonisation du Saguenay ou ravagée par les incendies récurrents. Le bois vient principalement du territoire de Petit-Saguenay et de Baie-Sainte-Catherine. On opère jusqu'à une vingtaine de chantiers de bûchage par hiver dans l'arrière-pays pour alimenter l'industrie.
Le village se met toutefois à décliner à compter de 1891, principalement à cause de deux facteurs. D'abord, l'approvisionnement est de plus en plus difficile et on doit aller récolter la ressource de plus en plus loin pour l'apporter au moulin, ce qui réduit la rentabilité des opérations. Ensuite, une dépression importante frappe l'économie mondiale à compter de 1891, ce qui affecte les exportations de bois de la compagnie Price vers les États-Unis. Saint-Étienne demeure toutefois un village dynamique jusqu'à sa fin tragique en 1900.
Crédit photo : BAnQC, P666, S12, SS5, P532
Établissement d'une première fromagerie à Petit-Saguenay
Dès les tous débuts de la colonie, les pionniers transforment le lait de leur exploitation agricole en beurre qui est ensuite exporté par bateau. Le fromage se conservant davantage, Montcalm et Joseph (dit Bebé) Tremblay décident d’implanter une fromagerie en face de l’église. C’est Alphonse Morin de Saint-Pierre de Montmagny qui vient superviser les travaux de construction réalisé par Montcalm Tremblay en 1894.
La fromagerie produit environ 5 000 livres de fromage dans les premières années. Le lait provient principalement des troupeaux des trois principaux producteurs de l’époque, qui sont Montcalm Tremblay, Charles Girard et Paul Gagné, mais également d’une quinzaine d’autres cultivateurs. Ce sont Joseph Tremblay, Eugène Morin, Raymond Boulianne et Alfred Boulianne qui produisent le fromage avec le lait apporté par les agriculteurs pendant les mois d’été. Le village de Saint-Étienne est d’abord le principal client, mais sa destruction par les flammes en 1900, le fromage est exporté par bateau jusqu’à la fermeture de l’établissement dans les années 1920. Le bâtiment sera plus tard utilisé pour accueillir la Coop de consommation.
Les frères Joseph et Hylas Houde opèrent quant à eux une fromagerie à Saint-Antoine à compter de 1925, tout près du bien nommé Lac Fromage. En 1956, l’Union des cultivateurs catholiques établit toutefois un syndicat coopératif de beurrerie, qui opère une fabrique de beurre et de fromage dans la coulée à l’entrée du village, ce qui mène à la fermeture de l’établissement des Houde l’année suivante. La beurrerie coopérative demeure quant à elle en opération jusqu’en 1972.
Construction des premiers ponts
Alors que la colonisation s'intensifie dans les années 1890, la construction d'un premier pont sur la rivière Petit-Saguenay s'avère nécessaire. Ce pont est construit au coût de 1 200 $ en 1898 sur la terre appartenant alors à Joseph Girard et se trouve approximativement à l'emplacement actuel du pont sur la route 170. D'une longueur de 130 pieds, il permet d'accélérer les efforts de colonisation de Petit-Saguenay, du rang Saint-Louis et de l'Anse-au-cheval, mais aussi de relier le village de compagnie de Saint-Étienne à Petit-Saguenay par la terre.
Un second pont est construit au coût de 200 $ en 1907 sur la rivière du Portage, pour relier le village au rang Saint-Antoine et pour se rendre au moulin à bardeau des Gagné et des Houde situé au petit bras. Pour obtenir le financement nécessaire de la part du gouvernement fédéral, une trentaine de citoyens de Petit-Saguenay menacent le député conservateur Joseph Girard de voter contre lui si celui-ci ne s'engagent pas à construire le pont. Deux ans plus tard, le député Girard fait d'ailleurs l'objet d'un retentissant procès pour des fraudes allégués dans plusieurs dossiers, dont celui de ce pont qui aurait été construit avec des fonds dédiés à la réparation des quais.
Trois ponts couverts sont construits par la suite : le pont Benjamin-Fortin en 1912, le pont Horace-Tremblay en 1915 et le pont Patrice-Fortin à une date inconnue. Le pont Benjamin-Fortin, d'une longueur de 150 pieds, remplace le premier pont du village et permet de relier le rang Saint-Antoine via la future route régionale. Le pont Horace-Tremblay, d'une longueur de 150 pieds, est construit tout juste en face de l'église et relie le coeur du village au rang Saint-Louis. Il n'est complété qu'en 1921. Finalement, le pont Patrice-Fortin enjambe la rivière Petit-Saguenay dans le secteur des chutes à Saint-Antoine et permet d'accéder aux fermes installées de ce côté et à des chantiers de coupe forestière.
Le 25 mai 1928, de terribles inondations frappent toutefois Petit-Saguenay et les ponts Horace-Tremblay et Patrice-Fortin sont tous les deux emportés. Le pont Horace-Tremblay est récupéré dans l'Anse de la Grosse-Île, démonté et transporté aux chutes de Saint-Antoine pour reconstruire le pont Patrice-Fortin dès l'automne suivant. Petit-Saguenay conserve donc deux ponts couverts jusqu'au tournant des années 1960. On détruit le pont Benjamin-Fortin en 1959 pour le remplacer par un pont plus large permettant le passage des camions et des chasse-neiges. Le pont Patrice-Fortin est pour sa part démoli au début des années 1960 pour permettre le passage des camions de la compagnie Jos Houde, qui transportent à l'époque le bois sur le sens de la largeur.
Crédit photo : William Maxant (1940), collection Gérald Arbour.
Saint-Étienne rasé par les flammes
5 juin 1900. Un feu d'abattis débuté en matinée par le colon Benjamin Boudreault sur les hauteurs de Saint-Étienne se répand à la forêt à la faveur des forts vents. En l'espace de deux heures, les flammes atteignent le village de Saint-Étienne qui est réduit en cendre. Une poignée de bâtiments seulement sont épargnés, mais tous les résidents sont littéralement jetés à la mer, recueillis à bord de deux navires de passage. Le moulin à scie, les quais, trois navires ainsi que l'ensemble de l'inventaire de bois sont perdus dans l'incendie. Seul le quartier de l'Anse-des-messieurs est épargné.
Dès le lendemain, grâce à la générosité du public et des autorités, on achemine de l'aide en provenance de Chicoutimi : de l'argent, des vivres et des vêtements sont ainsi distribués aux famille éplorés. Si les travailleurs s'en sortent sans trop de dommage, la compagnie Price, elle, doit déclarer une perte totale puisque l'établissement n'est pas assuré. Ces pertes sont estimées à entre 300 et 400 000 $, ce qui équivaut à entre 9M$ et 12M$ aujourd'hui.
Devant l'ampleur du désastre et compte tenud du fait que l'établissement décline déjà depuis quelques années à cause des problèmes d'approvisionnement, la compagnie décide de ne pas reconstruire et de plutôt ouvrir un nouveau moulin à scie du côté de Baie Sainte-Catherine, moulin qui est déménagé à nouveau en 1908 du côté de Baie Sainte-Marguerite. L'Anse Saint-Étienne est pour sa part abandonnée par la compagnie Price, qui n'y fait plus guère d'activités jusqu'à la vente du terrain à la municipalité dans les années 1970.
Crédit photo : BAnQC, P666, S12, SS5, P535.
Price installe des écorceurs à l'Anse au Cheval
En 1838, la Société des Vingt-et-Un installe ses premiers moulins à scie dans la région à Petit-Saguenay, soit à l'Anse aux Petites-Îles et à l'Anse au Cheval. Après quelques années d'exploitation, ces deux moulins sont vendus à William Price, qui ne continue pas l'exploitation bien longtemps. L'Anse au Cheval est donc abandonnée pendant quelques décennies jusqu'à ce que Joseph Desgagné, fils du fameux constructeur de goélettes Zéphirin Desgagné de L'Anse-Saint-Jean, y prenne un bail auprès de l'agent des terres de Tadoussac dans les années 1880 ou 1890.
Les activitéss de Joseph Desgagné à l'Anse au Cheval ne sont pas connues, mais on peut présumer qu'il y fait soit de la coupe ou du sciage, puisque que celui-ci transporte régulièrement du bois avec ses goélettes. Il transfère ensuite ses droits à Onésime Gagné de L'Anse-Saint-Jean, qui y exploite manifestement un moulin, puisqu'au moment où ce dernier vend ses installations à la compagnie Price en 1902, le contrat notarié fait mention d'un "moulin avec machines, engin, bouilloire, machine à bardeaux, carriage complet avec scies et autres accessoires, buttes, scies à déligner [...], ainsi que la maison [...], booms et quais servant à piler les madriers et autres bois." Une petite colonie s'est même développée autour de ces installations, avec quelques familles sinistrées après le feu du village de Saint-Étienne en 1900.
La compagnie Price, pour sa part, y exploite des écorceurs dans une usine alimentée en énergie par la vapeur. Le bois de pulpe ainsi libéré de son écorce est ensuite exporté par bateau vers des usines de pâte et papiers d'Ontario et des États-Unis. Le moulin de l'Anse au Cheval est ainsi en opération pendant plusieurs années, jusqu'à ce qu'une loi vienne interdire l'exportation de bois de pulpe en 1910 et mène ainsi au déclin des activités sur le site. En 1914, on démentèle les installations et on transfère la bouilloire à Desbins, où la compagnie Price opère l'une des cinq usines de pâte et papier de la région à l'époque. L'Anse au Cheval est définitivement abandonnée.
Crédit photo : BAnQ, P666, S12, SS5, P334
Les moulins prolifèrent à Petit-Saguenay
Dès les débuts de la colonisation de Petit-Saguenay, les pionniers organisent des moulins pour leurs besoins domestiques. Le pionnier Charles Bernier installe un premier moulin à la chute de la rivière Cabanage à la fin du XIXe siècle. Ce moulin est ensuite abandonné avant qu'un second moulin de plus grande envergure soit installé au même endroit par Hippolyte Tremblay, qui fournit les premiers habitants en bois et en farine. C'est Élie Tremblay qui est alors le meunier du village.
À partir de 1905, les pionniers Ovide Houde et Pierre Gagné installent un moulin à bardeau à l'embouchure du Petit Bras (rivière du Portage), près de la fosse Poussière de la rivière Petit-Saguenay. Ce moulin, dont on retrouve encore aujourd'hui les vestiges sur place, était équipé d'une chaudière horizontale tubulaire de 40 forces. Il fournit les bardeaux pour le revêtement d'un nombre considérables de maisons construites dans les différents rangs de Petit-Saguenay jusqu'à ce que Hermas, Hylas et Jos Houde construisent un moulin de sciage muni d'un planeur aux chutes de Saint-Antoine en 1918.
D'autre moulins sont en activité dans les premières décennies du XXe siècle. En 1921, Elzéar Pelletier achète la bouilloire du moulin à scie de la Compagnie Brouillard qui vient de faire faillite et le déplace à Saint-Étienne pour y opérer un moulin à scie activé par la vapeur jusqu'en 1946. À compter de 1924, la famille Perron de L'Anse-Saint-Jean opère également un moulin à eau l'embouchure du ruisseau Saint-Étienne, jusqu'à ce qu'il soit emporté par le débordement du Lac Défoncé en 1928. À la même période, François Gaudreault opère de son côté un moulin à l'Anse de l'Île.
Photo : Le moulin à scie des Houde aux chutes de Saint-Antoine. Crédit : William Maxant, 1940.
Les Brouillard prennent le relais des Price
La St-Siméon Lumber Co. Ltd, mieux connue sous le nom de compagnie Brouillard, est fondée en 1907 par Ovide Brouillard, un bourgeois de Drummondville, qui en est également le député fédéral pendant une dizaines d'années. La compagnie Brouillard, basée à Saint-Siméon, opère des chantiers dans les limites de Saint-Marc à Petit-Saguenay, du canton Sagard et de Saint-Siméon. Ses 300 travailleurs récolte environ 50 000 cordes de bois de pulpe par année, bois qui est ensuite dravé sur la rivière Noire et la rivière Petit-Saguenay, pour être finalement expédié à direction des papetières de l'Ontario et des États-Unis.
En 1914, la compagnie Brouillard acquière les terrains à l'embouchure de la rivière Petit-Saguenay et y construit un moulin à scie et un barrage à la fosse à saumon qui porte aujourd'hui son nom. Des estacades sont également aménagées un peu partout sur la rivière pour faciliter la drave. En 1915, un incendie important sur ses territoires de coupe détruit une grande partie de l'inventaire de bois de la compagnie, forçant cette dernière à la faillite l'année suivante.
Ovide Brouillard rachète toutefois la faillite avec une nouvelle entreprise, la Provincial Industries Ltd., qui continue les opérations jusqu'en 1926, année à laquelle celle-ci fait faillite à son tour. Le moulin à scie installé à l'embouchure de la rivière Petit-Saguenay est ainsi racheté par Elzéar Pelletier, qui le fait transporter à Saint-Étienne où il l'opère à partir de cette date. C'est la fin pour les Brouillard à Petit-Saguenay, quoiqu'on attribuera une partie de la responsabilité des terribles inondations de 1928 à la rupture des estacades laissées sur place par la compagnie.
Crédit photo : Collection Pierre Asselin.
Construction de la première église
Alors que la colonie de Petit-Saguenay prend de l’ampleur, on fait encore les missions religieuses dans les maisons des particuliers, dont celle de Méron Tremblay. En 1912, le curé Alfred Labrecque de L’Anse-Saint-Jean fait toutefois construire une chapelle de 40 pieds par 50 pieds sur un terrain cédé par Benjamin Boudreault. Construite au coût de 1 400 $ - soit environ 35 000 $ en dollars d'aujourd'hui - cette chapelle permet au curé de L’Anse-Saint-Jean de faire un service religieux par mois à Petit-Saguenay.
La première église est enfin construite en 1918 alors que la colonie compte déjà 350 citoyens. D’une dimension de 77 pieds par 36 pieds, le bâtiment est construit entièrement en bois et peut accueillir environ 250 personnes. Le tout coûte 15 226 $ - soit environ 245 000 $ en dollars d'aujourd'hui - en incluant le presbytère et les dépendances. C’est l’abbé Eugène Grenon qui est le premier curé de la nouvelle paroisse de Saint-François-d’Assise.
Crédit photo : SHS, P2, S7, P11062.
Fondation de la municipalité de Petit-Saguenay
12 août 1919 - Après quelques décennies de colonisation, les résidents de Petit-Saguenay reçoivent la reconnaissance officielle du gouvernement du Québec : la municipalité du canton de Dumas est fondée. Ce nom officiel n'est toutefois jamais utilisé par les Saguenois et les Saguenoises, qui réfèrent toujours au Petit-Saguenay pour parler de leur municipalité. En 1979, le nom sera d'ailleurs changé officiellement pour celui de municipalité de Petit-Saguenay.
C'est le 12 septembre 1919 que se tient la première assemblée du conseil municipal, au cours de laquelle on élit le maire Hylas Houde, un agriculteur prospère de Saint-Antoine qui possède notamment une fromagerie et un moulin à scie, et des conseillers pour représenter les différents rangs de la municipalité. Les premiers échevins sont les suivants : Ludger Côté pour Saint-Étienne, Alexandre Lavoie pour Saint-Louis, Pierre Laberge pour le haut de Saint-Antoine, Pierre Côté pour le bas de Saint-Antoine, Joseph (Bébé) Tremblay pour le village et Eugène Bernier pour Saint-Jean-Baptiste (le Cabanage). C'est Arthur Gagnon qui est embauché comme secrétaire-trésorier au salaire mirobolant de 20 $ par année.
Les premières années sont consacrées à l'organisation des chemins municipaux. Des inspecteurs sont nommés pour surveiller l'état des différents chemins de la municipalité : Joseph Morin pour le rang Saint-Jean-Baptiste, Hypolite Lavoie pour le rang Saint-Louis, Edmond Houde pour le rang Saint-Antoine et Stanislas Côté pour le rang Saint-Étienne. On s'affaire à verbaliser tous les chemins de la municipalité. On contracte également un emprunt de 40 000 $ (soit plus de 500 000 $ en dollars de 2019) auprès du gouvernement du Québec pour refaire les chemins et les graveler. À cette époque, les chemins sont entièrement à la charge de la municipalité et celle-ci contribue même financièrement à l'ouverture de la route entre L'Anse-Saint-Jean et Saint-Félix-d'Otis.
Crédit photo : Collection Hermé Lavoie.
Construction du premier quai fédéral
Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, les Saguenois et les Saguenoises utilisent exclusivement le Saguenay pour le transport des personnes et des marchandises. Les quais des compagnies forestières qui exploitent la forêt du territoire sont utilisés par les travailleurs et les résidents à ces fins. La compagnie Price, la compagnie Brouillard, ainsi qu’Hermas Houde, un pionnier de Saint-Antoine, auront tous des quais à l’embouchure utilisés pour le transport du bois. Celui de la compagnie Brouillard est le seul qui est situé en eau profonde, en face de l’emplacement actuel du quai municipal.
C'est dans les années 1920 qu'un premier quai fédéral est construit dans l’anse de Petit-Saguenay. Le « quai du gouvernement » est bâti en madriers de bois et en grosses pierres. Autour de celui-ci, on retrouve déjà quelques résidences. René Gagnon, un marchand du village, construit pour sa part un entrepôt à proximité pour stocker sa marchandise. C’est d'ailleurs lui qui est en charge d’allumer les phares dans la montagne avant l’arrivée des goélettes.
Crédit photo : SHS, P2, S7, P01828-3.
La route de Petit-Saguenay enfin ouverte
Dès le début de la colonisation, Petit-Saguenay, comme la municipalité voisine de L'Anse-Saint-Jean, n'est raccordé au reste du Québec que par la mer. La construction de chemins carrossables est cependant primordial dans l'effort de colonisation. Dès 1862, l'arpenteur Duberger prévoit un tracé pour raccorder L'Anse-Saint-Jean à Petit-Saguenay via le lac à Minette, le lac long et la rive gauche de la rivière Cabanage.
Cette route ne sera construite qu'en 1887 et 1888, grâce à une investissements de 197,85 réalisé par le gouvernement du Québec sous la supervision de René Gagnon. Ce n'est cependant qu'en 1922 qu'une véritable route est aménagée pour raccorder Saint-Siméon à Petit-Saguenay et L'Anse-Saint-Jean. Cette route n'est pas vraiment praticable en voiture.
Entre 1923 et 1926, un grand débat enflamme le Saguenay - Lac-Saint-Jean sur le meilleur tracé pour raccorder la région à la ville de Québec. Le Lac-Saint-Jean souhaite développer un tracé dans le parc des Laurentides, alors que les municipalités du Bas-Saguenay privilégient un tracé via Charlevoix, qui est déjà complété jusqu'à Saint-Siméon. Le gouvernement choisit finalement d'investir pour aménager les deux tracés. Après plusieurs années d'investissements, la route 16 entre La Baie et Saint-Siméon est finalement complétée et entièrement ouverte à la circulation automobile.
Crédit photo : BAnQ, E6, S7, SS1, P826.
L'église de Petit-Saguenay brûle !
26 décembre 1955 – En 1945, face à la pression démographique, la petite communauté investit temps et argent – près de 20 000 $, soit environ 300 000 $ en dollars d’aujourd’hui – pour complètement rénover l’église de Petit-Saguenay, faisant passer la superficie du bâtiment à 120 pieds par 36 pieds. Sous la supervision de l’architecte Sylvio Brassard, on ajoute un chœur, des transepts, deux sacristies, en plus de refaire le revêtement en belle brique rouge.
Quelques dix ans plus tard, le lendemain du Noël de 1955, l’église est la proie des flammes au grand désarroi des Saguenoises et des Saguenois. Après ce tragique sinistre, la paroisse sous la gouverne du curé Antonia Larouche se met rapidement au travail pour reconstruire une nouvelle église. On fait encore appel à l’architecte Sylvio Brassard, qui prépare les plans du bâtiment, qui est reconstruit dans l’année. Celui-ci fait 120 pieds par 90 pieds et peut accueillir 550 personnes.
Crédit photo : SHS, P2, S7, P08235-1.